Mes collègues-1
Mes
parents n'ayant pas eu le bon goût de réussir leur vie et de finir
blindés de thunes, je me retrouve dans l'obligation de faire comme le
pékin de base, à savoir travailler pour pouvoir gaspiller mon argent en
drogues diverses et activités d'euthanasie temporelle.
Donc oui j'ai
un travail, avec tout ce qui va avec. Et ce qui avec, c'est notamment
les collègues, ces spécimens humains particuliers que l'on est obligé de
côtoyer. Pour le coup, je suis plutôt gâté... Mes collègues à moi sont
pour un bon nombre des cas sociaux, le genre de type qui font
halluciner lorsqu'on les croise comme ça, de loin, et désespérer
lorsque l'on travaille avec eux.
Dans
mon escarcelle, on trouve le dépressif gniaisou qui donne juste envie
de lui casser les dents à coup de genoux. En 3 mois, j'ai du le voir 2
semaines, tout au plus, le reste du temps, ben il était pas bien dans
sa tête, la vie et le travail c'est vraiment trop dur. Ca fait schtong
dans sa tête, il gère plus rien et il part parce que vraiment c'est
trop dur (oui je sais, dire que vraiment c'est trop dur au CEA, faut
déjà oser, mais bon, y'en a pour qui c'est le cas faut croire). Et puis
il revient, le sourire aux lèvres, comme si de rien n'était, il parle à
tout le monde (correction, il fait chier tout le monde, que même les
stagiaires l'envoient chier...), il donne des leçon enfin bref il
fait son beau. Au bout de 5 jours tout au plus, son statut de looser
est de nouveau avalisé, tout le monde s'en rend compte et le prend
comme
tel... schtong
qu'on vous dit... Le dépressifs geignard est une espèce à part,
particulièrement insupportable. Il crie, se lamente, veut qu'on
l'écoute (il est à remarquer qu'il ne cherche pas l'écoute de qqun en
particulier, non non, il s'en fout de l'oreille du moment qu'oreille il
y a), comme si sa douleur était la seule, comme si les personnes en
face n'avaient ni vécu ni problème. Car il faut bien se rendre compte
que le dépressif geignard ne porte aucune considération aux autres, lui
est tellement différent, tellement plus malheureux... Moi, moi, moi est
la seule chose qui sorte de sa tête. Par
cette négation de l'autre, le dépressif geignard se condamne lui même à
l'isolement et au mépris de ceux qui auraient pu l'aider, qui savent ce
que c'est de ne pas aller bien dans leur tête. Dans mon labo, le nom du dépressif geignard a été
donné à une plante verte: "bon allez, faut rentrer Philippe,
sinon, il va
prendre froid", "qqun a pensé à arroser Philippe ?".
Mon labo dispose également d'un autre phénomène, une autre super
star, d'un genre différent, mais super star quand même. C'est qu'on
fait pas les choses à moitié par ici... Celui ci est plus difficile à
décrire, à mettre dans une case. Pour faire simple, on pourrait dire
qu'à lépoque des pentium 4, ce cher JYB est un Amstrad 6128 à lecteur
de cassette... mais attention, avec ralonge mémoire de 68 kO, c'est
qu'on a quand même le modèle de course... Donc le JYB aime à tout
étiquetter, du stylo à la paire de gants, à tout ranger, dans des
endroits que lui seul connaît et ferme à clefs, et à couper des bouts
de ficelle, parce qu'il est bien connu que le bout de ficelle est le
meilleur ami de l'homme, suffit de voir Mac Gyver. Le JYB aime quand
tout il est bien rangé, quand les portes elles sont fermées, quand le
stylo il est étiquetté, mais ça je l'ai déjà dit. Le JYB bugge, svt,
très svt même, en fait, le JYB bugge dès qu'on lui dit plus de 10 mots
à la minute, dès qu'on lui pose une question, dès qu'on lui demande de
faire qqch qui l'implique et lui demande un minimum d'initiative, et ce
malgré l'extension de mémoire vive à 68 kO, allez comprendre... Il
convient alors de le laisser tranquillement rebooter, soit de qq
secondes à qq minutes voire même plus parfois, selon le type d'erreur
fatale rencontrée par l'OS. Le JYB
n'aime rien moins que l'habitude, que la tranquilité et la
certitude de l'éternel recommencement. Plutôt la douleur connue et
habituelle que la perspective incertaine d'un changement inconnu. Inertie et fuite quand tu nous tiens... En
fait, le JYB est un dépressif silencieux, un dépressif qui ne le dit
pas, qui ne se le dit peut être même pas. Autant
le Philippe m'insupporte, autant le JYB me fait mal, son regard
me blesse et me touche, toute la tristesse et l'impuissance face au
monde
s'y lisent. Il y a de la maltraitance dans ce labo à son égard, pas
facile de jongler entre obligation professionnelle et prise en compte
des fragilités personnelles. Comment font ils pour ne pas voir le désespoir dans ses yeux, pour ne pas y lire cette évidence?
Des spécimens de cet
acabit et même bien plus extraordinaires, le CEA en est rempli. Alors
s'il vous plait, continuez à payer vos impôts qu'ils puissent
tranquillement continuer leur rien. A votre bon coeur et merci
d'avance...
Aujourd'hui, c'est le jour de la virgule. Faut que j'arrête de lire du Saramago, je me mets à écrire comme lui, le style et la maitrise en moins.