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gabuzomeuh
27 décembre 2006

Dead Man

Un train, un citadin innocent, des bisons, des indiens, des chasseurs de prime, une ville à la lisière de la frontière ouest, des crados, des putes, Nobody, l’esprit de William Blake, des marshalls, des cannibales, Iggy Pop en mère de famille, des poèmes, une barque, la guitare sépulcrale de Neil Young. Un film de Jim Jarmush.

 

It is preferable not to travel with a dead man.

 

Tout commence par un voyage, un train qui emmène William Blake, jeune comptable de Cleveland jusqu’à Machine, ville à la frontière de l’ouest américain, où un poste lui a été promis. D’entrée, le décalage est évident. Le propret Jhonny Depp tranche avec cet univers sale, décadent et bruyant. Arrivé en ville avec qq jours de retard, il apprend que le poste est déjà pourvu, se réconforte dans les bras de la jolie Thel, est pris dans une fusillade avec l’ex de Thel- accessoirement le fils de son déjà ex-patron et baron de la ville-, le tue, prend une balle, s’enfuit tant bien que mal, est recherché pour meurtre…

 

… stupid white men…

 

(JPEG)

 

Jusque là, le film se tient encore, mais ca ne va pas durer. A demi mort, William Blake est trouvé et soigné par Nobody, un indien rejeté par les siens. Dans sa jeunesse, Nobody a été capturé par les anglais et instruit tel un animal de foire. C’est à cette occasion q’il découvre les écrits libertaires et visionnaires de William Blake. Nobody est persuadé d’avoir rencontré le fantôme perdu du poète qu’il doit donc ramener dans le royaumes des morts, là où la séparation de la mer et de la terre disparaît. Le voyage commence…

 

Some are born for sweet delight…

 

(JPEG)

 

A partir de là, Dead man n’est plus racontable, ou plutôt le récit des faits devient sans intérêt. Il cesse d’etre un film pour devenir une véritable expérience cinématographique qui ne trouve écho que dans la sensibilité et la subjectivité (d’aucun diront que c’est le début du grand n’importe quoi et d’un auteurisme au mieux acharné, au pire futile). Dead man est un voyage à travers différents mondes. Un voyage sans queue ni tête, opaque, décousu, terriblement charnel. Un voyage mystique et philosophique sur l’appartenance au monde et sur la réalité. Un voyage à travers l’Amérique, brutale et primitive, industrielle, rongée par le vice, le goût du profit et le gaspillage. Les trappeurs tirent sur les bisons comme ils s’exerceraient aux fléchettes, les rôdeurs dégainent leurs jouets métalliques pour ruiner toute diplomatie. La civilisation excelle dans l’infamie et se distingue par une absence notoire de civilité. Aride et gangrenée, l’amour est une impasse. Une Amérique où les exclus, les indiens, vivent en marge comme ils le peuvent. Un voyage qui prend à rebours tous les codes du genre. Ici, point de héros, de bravoure, de morale, de gentils sauvages stéréotypés… Juste le chemin initiatique de 2 hommes vers la mort. En un sens, deux hommes déjà morts, deux fantômes qui s’en retournent vers leur domaine.

 

... some are born for endless night

 

(JPEG)

 

Comme souvent, Jarmush utilise le personnage de l’étranger comme révélateur ; celui qui n’appartient pas à un système et est plus à même d’en faire ressortir les failles et les incohérences. Pour le coup, le voyage implique 2 étrangers : Nobody, l’indien exclu et William Blake le réincarné recherché. Il n’y a aucun suspense dans Dead man : la conclusion est déjà donnée dans le titre et dans la phrase d’ouverture d’Henri Michaud. Pas de doute sur la conclusion du voyage de 2 hommes perdus et exclus de leur meute respective. Rejetés par les leurs, les vaincus s’entraident, se disputent, et s’entendent tacitement sur une destinée toute tracée.

 

And your poetry will be written with blood…

 

(JPEG)

 

Le propos est mis en image dans un noir et blanc d’une richesse chromatique inouïe et d’une esthétique toujours décalée et émouvante. Johnny Depp est possédé par le personnage de William Blake et fait parfaitement le pendant à la bonhomie fervente de Nobody. Le voyage est rythmé par la poésie de Blake et les accords détachés, lancinants et hypnotiques de Neil Young, par une BO qui respect le montage et ses silences, écrite sur mesure, comme un commentaire du musicien sur le film. La musique comme troisième membre du voyage (le CD de la BO est d’ailleurs livré brut, avec les dialogues et les bruitages, comme pour signifier qu’ils sont inséparables et que la musique- au demeurant magnifique- n’existe et ne trouve sa véritable identité qu’accompagnée de ses compagnons de voyage.

 

They called me a liar, xcepece, the who talks loud, said nothing ... I’m nobody

 

Alors voilà, qq bribes d’éléments sur Dead man. Beaucoup trop et beaucoup trop peu à la fois. Il n’est pas de ces films qui se racontent ni qui se regardent d’un œil distrait. On n’en sort pas indemne. Au pire 2h20 détestables, sinon vous m’en serez reconnaissants. Un film Ping, qui envoie une balle et demande au spectateur de faire pong (merci Wille pour ton imagination...). Sans cette sensibilité, ben… ben rien, pas d’autres ping. Un film glaise dans lequel le spectateur doit mettre les doigts sous peine de n’avoir qu’un tas de glaise sous les yeux (blabla Wille). Un bloc de subjectivité livrée à celle du spectateur au mépris de toute convection filmique et de touts sens. Vous voilà prévenus…

 

(JPEG)

 

Oh why was I born with a different face

 

Why was I not born like the rest of my race

 

When I look each one starts

 

When I speak, I offend

 

Then I’m silent and passive and lose every friend

 

Improvement make straight roads

 

But the crooked roads without improvement

 

Are roads of genius

 

I went to the Garden of Love

 

And saw what I had never seen

 

A chapel was built in the midst

 

Where I used to play on the green

 

And the gates of this chapel were shut

 

And "Thou Shalt Not" writ over the door

 

So I turned to the Garden Of Love

 

That so many sweet flowers bore

 

And I saw it was filled with graves

 

And tombstones where flowers should be

 

And priests in black gowns were walking their rounds

 

And binding with briars, my joys and desires

 

(The marriage of Heaven and Hell)

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